Pour une agriculture d'avenir
Table des matières
Introduction
L’alimentation au niveau mondial peut être source de tension et même parfois de guerre. Aussi, la sécurité alimentaire mondiale représente un enjeu de taille, d’autant plus avec le dérèglement climatique. L’élevage entre en concurrence avec la production végétale pour nourrir les humains, ce qui entraîne une augmentation des prix des denrées alimentaires et contribue à l’insécurité alimentaire. La production animale détourne ce qui pourrait être une précieuse source d’alimentation à destination des humains pour en fin de compte nourrir les animaux des élevages.
Le nouveau Parlement européen, élu en 2024, sera chargé des nouvelles orientations pour l’agriculture. Celles-ci auront un impact sur notre agriculture et notre alimentation jusqu’en 2032, puisque ce nouveau Parlement devra dessiner les contours de la Politique agricole commune (PAC) 2028-2032. Or, l’Union européenne est l’un des plus grands producteurs et exportateurs mondiaux de produits agricoles. En outre, les secteurs liés à l’agriculture et à l’alimentation génèrent plus de 44 millions d’emplois dans l’Union européenne. Les enjeux associés à ces secteurs sont aussi profonds que variés : certains sont d’ordre social et environnemental ; d’autres sont liés autant à l’éthique humaine qu’animale.
Ces orientations sont fixées par la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne, qui représente environ 31 % du budget total de l’Union, soit 378 milliards d’euros sur la période 2023-2027. Dans ce budget, près de 65 milliards d’euros sont alloués à la France. La PAC est financée par deux fonds relevant du budget de l’Union, à savoir le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) – qui apporte un soutien direct et finance des mesures de marché – et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) – créé dans le but de promouvoir la compétitivité, la durabilité et la diversification des zones rurales.
Plus spécifiquement, la pêche est pilotée au niveau de l’Union européenne par la Politique commune de la pêche (PCP). Celle-ci dispose de budgets moins élevés. À titre d’illustration, durant la période 2014-2020, la PCP était dotée d’un budget de 6,4 milliards d’euros, dont 588 millions alloués à la France.
Les agriculteurs (cultivateurs et éleveurs) français travaillent en moyenne plus de temps que l’ensemble des personnes en emploi, dont très fréquemment le samedi ou le dimanche ; toutefois, en France, le taux de pauvreté des exploitants se situe entre 10,8 % et 25,5 % selon le type de production agricole dominante du territoire. Le seuil de pauvreté est défini, en 2021, comme un revenu disponible de 1 158 € pour une personne seule et 2 432 € pour un couple avec deux enfants. D’après les chiffres de l’INSEE, sur le niveau de vie des ménages agricoles – selon la production agricole dominante du territoire en 2018 –, les éleveurs de bovins, ovins et caprins sont ceux avec un seuil de pauvreté le plus élevé (25 %).
L’élevage bovin représente une composante significative de l’agriculture française. En 2020, on dénombre 91 123 exploitations spécialisées en élevage de bovins (lait, viande et mixte) qui occupent 32,7 % de la surface agricole utile.
À raison de 4,3 Md€ d’aides publiques par an, l’élevage bovin demeure, de loin, l’activité agricole la plus subventionnée en France. Pour autant, le modèle économique des exploitations d’élevage apparaît fragile et sa viabilité reste dépendante du niveau élevé d’aides publiques.
L’élevage génère souffrance, pollution, famine et endettement. Pour réduire le cheptel, le moyen essentiel est de reconvertir progressivement les grandes filières d’élevage et de monocultures nourrissant les humains et animaux d’élevage vers une communauté de plus petits cultivateurs. Cela permettra de créer un véritable tissu social et de multiplier les emplois, concentrés sur la culture de céréales et de légumineuses.
Une telle reconversion devra entraîner à terme une sortie définitive du cycle infernal de l’élevage et de l’abattage intensifs.
1. Une souveraineté alimentaire
La souveraineté alimentaire des États membresde l’Union européenne constitue une revendication des agriculteurs et des citoyens, notamment pour des raisons économiques et écologiques évidentes, mais aussi pour garantir le contrôle de la qualité des aliments et l’approvisionnement en cas de catastrophe naturelle, de crise énergétique, géopolitique, voire de guerre. La France connaissait une autonomie alimentaire, mais, depuis les années 1950, les gouvernements européens ont commencé à multiplier les échanges commerciaux extérieurs. Résultat, aujourd’hui, la France n’a plus qu’un niveau d’autonomie alimentaire de 60 %.
Afin de se tourner vers une autosuffisance alimentaire qui, sur le plan idéologique, se caractérise par une sortie de la logique d’extension des marchés, il convient de limiter les exportations et importations massives.
La réduction de consommation de protéines carnées en faveur des protéines végétales pourrait y contribuer, puisque l’élevage engendre un gâchis de protéines et de calories : la consommation de viande suppose de nourrir des animaux avec des protéines végétales, qui pourraient être directement ingérées par les êtres humains.
Ainsi, actuellement, 71 % des terres agricoles européennes sont destinées à nourrir des animaux d’élevage. Une consommation directe et accrue de céréales et de légumineuses par les humains éviterait ce gâchis nutritionnel et énergétique, permettant indirectement de limiter les importations agroalimentaires. De nos jours, plusieurs millions de tonnes de soja sont importées en France, chaque année : 66 % proviennent de l’Argentine et du Brésil où l’Amazonie est déforestée pour cette culture. Elles sont essentiellement destinées à nourrir nos animaux d’élevage. De même, les pays de l’Union européenne sont dépendants à 70 % de protéines végétales étrangères.
Afin de produire suffisamment de protéines végétales pour subvenir aux besoins de chaque État membre de l’Union européenne, il est nécessaire de procéder à la reconversion des grands élevages et immenses monocultures. Cela permet de libérer de grandes terres agricoles. Il convient de les réutiliser, en proportion optimale, entre : d’un côté, des exploitations de plus petite taille permettant une diversification et une intensification des cultures de légumes, de céréales et de légumineuses et, de l’autre côté, une reforestation naturelle d’une partie des prairies, en accord avec la stratégie de l’Union européenne pour les forêts et le secteur forestier. Les jeunes forêts constituent de grands puits carbone.
Parmi les 71 % de terres agricoles européennes destinées à l’élevage, la moitié sont des pâturages, et l’autre moitié des terres arables qui pourraient partiellement être utilisées pour produire des fruits, légumes, légumes secs, oléagineux et céréales destinées aux populations plutôt qu’aux animaux. Sur l’intégralité des terres arables européennes, 63 % sont destinées à l’alimentation des animaux illustrant la place démesurée prise par l’élevage ces dernières décennies.
L’idée ici est de limiter les flux de marchandises agricoles, notamment de produits d’origine animale. Pour ce faire, il convient de revoir les taxes sur les produits importés, dits « droits de douane », à la hausse. Il faut également modérer le dumping social, pratique qui consiste à abaisser le coût de la main-d’œuvre pour baisser les coûts de production. Cette démarche favorisera la consommation de produits alimentaires locaux, de qualité, sous contrôle et en circuits courts. Les prix des aliments seront stabilisés à un montant réaliste qui pourrait alors se voir affecter un seuil plancher par l’État comme le demandent les agriculteurs. En outre, le marché agroalimentaire intérieur sera renforcé par la remontée des salaires et la création d’emplois dans ce secteur.
Pour mieux contrôler les produits alimentaires importés, il est nécessaire, d’une part, de procéder à une homogénéisation des normes, aussi bien européennes qu’extra-européennes, par des clauses et mesures miroirs pour lesÉtats tiers. Celles-ci imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l’Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales. D’autre part, il y a lieu d’imposer une traçabilité complète sur les produits alimentaires importés (notamment sur l’origine, les lieux d’épluchage, de transformation, de conditionnement…) et une visibilité systématique pour le consommateur, sur l’emballage notamment.
Il existe une perte substantielle de terres et de protéines à l’échelle mondiale en raison du fait que nous ne donnons pas la priorité à la production et à la consommation d’aliments d’origine végétale.
L’élevage et la production d’aliments destinés aux animaux d’élevage entrent en concurrence avec la production de cultures qui pourraient être directement consommées par les humains. Les ressources consacrées à la production de cultures pour la consommation animale pourraient être destinées directement à la consommation humaine. Cette concurrence fait grimper le prix des cultures, les rendant moins accessibles aux personnes à faible revenu et contribuant à l’insécurité alimentaire.
L’élevage rend le système alimentaire plus vulnérable aux chocs dus aux zoonoses. Ces chocs peuvent entraîner des perturbations importantes dans le système alimentaire avec pour conséquence des pénuries et une augmentation des prix. Il contribue significativement au réchauffement climatique par l’émission de GES, ce qui aggrave encore l’insécurité alimentaire.
Il est essentiel d’adopter une approche globale qui prenne en compte tous les critères d’un système de nourriture éthique et équitable, et réponde aux besoins des consommateurs, des agriculteurs et de l’environnement en contribuant à la sécurité alimentaire mondiale.
Les légumineuses, en particulier, pourraient participer à l’amélioration de la sécurité alimentaire. En raison de leur durabilité et de leur impact minimal sur l’environnement, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a encouragé l’utilisation de légumineuses comme sources de protéines pour remplir cet objectif. Elles nécessitent beaucoup moins d’eau et d’engrais et produisent moins de GES que les protéines d’origine animale. Elles nécessitent moins d’engrais de sols et d’engrais azotés. En outre, elles peuvent pousser dans des sols pauvres.
2. Une agriculture humaine
Une agriculture humaine est une agriculture qui ne détruit pas le sol, ne pollue pas l’environnement, ne s’arroge pas des brevets sur des produits d’origine animale ou végétale non transformés. C’est une agriculture performante mais éthique dont le but n’est pas une production effrénée et irraisonnée. Mais au contraire, une production équilibrée, qui permet le respect de l’environnement, de la santé animale et humaine. Son objectif n’est pas de produire une alimentation indirecte (produire des céréales pour nourrir les animaux) mais de produire une alimentation directe sans perte de ressources (céréales, légumes pour nourrir directement les humains).
L’agriculture a un impact non négligeable sur l’environnement. Ses effets négatifs sont graves car elle engendre de la pollution et dégrade le sol, l’eau et l’air. À titre d’exemple, selon une étude réalisée par l’Institut de la terre à l’université de Columbia, l’élevage et les engrais chimiques seraient responsables de 55 % de la pollution atmosphérique liée aux activités humaines. Mais des politiques agricoles efficaces et responsables peuvent limiter les effets néfastes de l’agriculture sur l’environnement.
Il est essentiel de réorienter les incitations financières européennes vers des exploitations agricoles éthiques qui se concentrent sur la production de protéines et de nutriments d’origine végétale destinés à la consommation humaine. Il est également nécessaire de fournir des incitations à l’innovation dans le domaine des protéines alternatives et des technologies agricoles intelligentes, afin de créer des opportunités économiques et de favoriser la qualité de vie de la population, la santé publique et l’environnement.
Par conséquent, réorienter les subventions et aider les agriculteurs à passer à l’agriculture végétale permet non seulement de saisir les opportunités économiques, en les incitant à s’adapter à l’évolution des préférences alimentaires des consommateurs, mais aussi de s’aligner sur les objectifs d’amélioration de la santé publique et de protection de l’environnement.
La législation FSFS (Framework for Sustainable Food Systems) – ou « Cadre législatif pour des Systèmes alimentaires durables » – vise à accélérer et faciliter la transition vers ces modèles. Le FSFS s’assure également que les règles ont un sens dans l’ensemble de l’Union européenne et dans chaque État. Bien que la PAC soit en vigueur jusqu’en 2027, le FSFS a le potentiel d’établir un système secondaire distinct qui existerait en dehors de la PAC actuelle afin d’envisager les propositions à incorporer dans la prochaine PAC. Le FSFS pourrait fixer les incitations à la production d’aliments d’origine végétale destinés à la consommation humaine.
La Commission européenne devrait assurer l’alignement des États membres vers cet objectif commun via une approche coordonnée.
Les protéagineux sont des plantes riches en protéines, favorables à l’équilibre des cultures et à l’environnement : céréales (blé, riz…), légumes secs (lentilles, pois chiches, fèves…), graines oléagineuses (noix, amandes, pistaches, noisettes…).
Il convient d’adopter une résolution sur la promotion des protéagineux.
Il s’agit d’inverser la Politique agricole commune qui favorise le développement de ce type d’élevages (industriels) qui se fait d’ailleurs au détriment de l’élevage extensif : entre 2005 et 2020, le nombre d’élevages européens a diminué de 37 % (5,3 millions de fermes d’élevage disparues en 15 ans).
Aujourd’hui, une part conséquente des aides financières de la PAC sont distribuées à l’hectare et à l’animal, ce qui fait du secteur de l’élevage et de l’alimentation animale un bénéficiaire majeur du premier pilier de la PAC. L’élevage, au sens large, bénéficie de 28 à 32 milliards d’euros d’aides directes de la PAC– via des aides couplées ou les aides à l’hectare–, soit entre 18 et 20 % du budget de l’Union européenne de 2017.
Le cheptel désigne l’ensemble des animaux d’élevage d’une exploitation agricole, ou plus largement d’une région, d’un pays ou d’un ensemble de pays. L’Union européenne compte un cheptel d’environ 78 millions de bovins. Une réduction nette du cheptel de l’Union européenne, qui est comptabilisé avec précision, devrait être inscrite dans le plan de politique européenne de lutte contre le changement climatique. Celui-ci n’évoque aujourd’hui qu’une modernisation des pratiques de l’agriculture, et ce de manière très évasive. Il ne mentionne que quelques exemples ponctuels et peu aboutis au niveau de la recherche et développement (R&D) comme les additifs à la nourriture d’élevage visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre issus de la fermentation entérique lors du processus de digestion des ruminants. Le Pacte vert pour l’Europe n’évoque pas non plus de réduction du cheptel. Il s’attaque pourtant aux défis climatiques et environnementaux en faisant la promotion d’une croissance verte. Il couvre l’ensemble des domaines politiques dont l’agriculture, sous forme de la stratégie « De la ferme à la table ». Une réduction nette du cheptel a pourtant été annoncée de manière inédite en politique intérieure française, dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (baisse de 25 % du cheptel bovin laitier et de 33 % du cheptel bovin autre que laitier, à l’horizon 2050).
La PAC version 2023-2027 prévoit qu’au moins 25 % du budget consacré aux paiements directs soient alloués à des programmes écologiques, encouragent davantage les pratiques et méthodes agricoles respectueuses du climat et de l’environnement (telles que l’agriculture biologique, l’agroécologie, le stockage du carbone dans les sols agricoles, etc.). Or, il n’est pas question d’inclure un soutien à la démarche la plus efficace en matière d’urgence climatique, à savoir la réduction de cheptel, via une reconversion vers la culture des terres. Elle est pourtant reconnue comme nécessaire, pour atteindre la neutralité carbone, par l’Institut Rousseau dans son rapport « Road to Net Zero » (émission 0 en 2050).
L’Europe vise actuellement une réduction de 55 % des gaz à effet de serre pour 2030 (« Fit for 55 ») en citant l’agriculture, mais sans préciser les méthodes visées, ni inclure l’élevage dans son système de taxe carbone (« EU Emissions Trading System »).
L’idée ici est d’inclure l’élevage dans le projet de taxe carbone européen, dans l’esprit des recommandations des experts européens.
Il convient d’adopter une résolution visant à soutenir les alternatives aux produits phytosanitaires.
Il convient de les rendre obligatoires dans le cadre de la nouvelle PAC. Cela permettrait aux animaux sauvages de retrouver des espaces de vie et de reproduction. Il convient en parallèle de tracer des chemins communaux entourant chaque parcelle de terrain privatif (habitation, champ, forêt…)
3. Une transition nécessaire
La souveraineté alimentaire passe irrémédiablement par une transformation de notre production agricole et de l’occupation des terres agricoles. Mais elle doit aussi s’accompagner d’une modification profonde de nos comportements alimentaires.
3.1 Une transition du secteur agricole
Le Parti animaliste propose un programme concret pour réaliser une transition nécessaire vers un modèle agricole global soutenant les « petits cultivateurs », c’est-à-dire la culture végétale, tout en préservant l’environnement. Pour préciser la notion de « petits cultivateurs », une micro-exploitation est, selon le ministère de l’Agriculture, associée à une surface de 12 hectares en moyenne, ce qui représente à peu près un tiers des exploitations françaises. Un tel scénario durable s’appuie sur plusieurs objectifs.
Faire entrer en concurrence les régions de l’ouest et de l’est de l’Europe, aux dynamiques agricoles très différentes, mène inéluctablement à des tensions. En effet, l’ouest de l’Europe connaît une agriculture intensive, grande utilisatrice d’engrais et de pesticides, fortement mécanisée et aux rendements agricoles élevés. Quant à l’est, dans les pays de l’ancien bloc soviétique, l’agriculture y est moins utilisatrice d’intrants chimiques et repose davantage sur la main-d’œuvre.
Les légumes secs sont cultivés pour leur richesse en énergie et en protéines, cueillis à maturité, puis utilisés notamment pour l’alimentation humaine. Les légumineuses sont recommandées dans le cadre d’une rotation culturale diversifiée permettant de varier les cultures sur une parcelle pour limiter l’appauvrissement des sols.
Les entreprises de commercialisation devraient entretenir des relations étroites avec leurs producteurs agricoles ou leurs coopératives afin de garantir un approvisionnement fiable en légumineuses, produites localement au lieu de dépendre fortement des importations.
Parmi elles, la féverole, comme toutes les légumineuses, a la capacité de fixer l’azote de l’air grâce aux bactéries que contiennent les nodosités de ses racines. Par conséquent, la plante permet de réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre et de gaz acidifiants… La France, l’Australie et l’Angleterre se partagent le marché international de la féverole. Ces trois pays représentent à eux seuls plus de 85 % de l’offre mondiale à l’export.
En ce qui concerne les haricots secs, les principaux pays producteurs sont la Chine, l’Éthiopie et le Royaume-Uni, suivis par l’Australie et la France. Soixante-quinze pour cent de la production mondiale de haricots secs est attribuable aux dix principaux pays producteurs, soit l’Inde, le Brésil, les États-Unis, la Chine, le Mexique, le Myanmar, l’Indonésie, l’Argentine, l’Ouganda et le Canada. La lentille est une culture qui fixe l’azote présent dans le sol et l’air, et donc réduit l’utilisation des engrais azotés et restitue l’azote pour la culture suivante.
3.1.1 Reconvertir les exploitations de grands élevages industriels vers les cultures végétales
La reconversion progressive des grands élevages industriels, notamment vers des cultures végétales, mènerait à une diminution globale de la production des denrées d’origine animale.
Plusieurs enjeux mènent à privilégier la baisse de la consommation de produits d’origine animale au profit des protéines végétales. Ces enjeux sont d’ordre sanitaire (voir Pour une santé protégée), éthique (voir Pour une société apaisée), environnemental (voir Pour une terre vivable), économique et social (voir Pour un panier éthique).
Il convient d’interdire la création de nouvelles exploitations, ou l’extension d’exploitations existantes, basées sur un système d’élevage intensif et industriel. Toute exploitation industrielle ou agricole susceptible de créer des risques pour les tiers – riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement, est potentiellement une Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE).
- Des exploitations avec plus de 150 vaches laitières.
- Des exploitations avec plus de 300 truies ou 500 cochons.
- Des exploitations avec plus de 7 500 lapines.
- Des exploitations avec plus de 10 700 poules pondeuses.
- Des exploitations avec plus de 21 400 poulets.
3.1.2 Protéger la situation financière des « petits cultivateurs »
Le premier objectif passe premièrement par la protection de la situation financière des « petits cultivateurs ». Pour cela, il faut agir contre les prix d’achat imposés par la grande distribution et les grands groupes agro-industriels. Il faut également agir contre la concurrence au niveau national avec les grands exploitants et contre la concurrence déloyale, notamment sur le plan des normes hétérogènes imposées, de la compétitivité des salaires dans des contextes économiques de pays incomparables, des tailles d’exploitations et de prix de vente moins élevés à l’étranger. Il faut, enfin, agir contre les prix déconnectés de la réalité, fixés sur les marchés internationaux suite à de nombreux intermédiaires.
Le dernier point est induit en particulier par les accords de libre-échange avec des groupements d’États, comme le Mercosur, et des accords bilatéraux, comme le CETA. Ces accords sont la conséquence d’une mondialisation inéquitable.
Il convient de soutenir une intensification progressive des aides financières aux petits cultivateurs, au secteur du maraîchage des protéines végétales, à l’agroécologie et à l’agriculture biologique. Pour cela, il est nécessaire d’encourager les mesures en ce sens venant des gouvernements des États membres (ex. : allègements fiscaux, prises en charge des dettes privées…) et de développer ces initiatives à travers la PAC.
Les initiatives en faveur d’une intensification des aides financières peuvent prendre la forme d’une multiplication des « aides couplées » qui permettent de cibler des filières considérées vertueuses ou prioritaires notamment selon des critères de « durabilité ».
Cela permettrait de peser dans les négociations auprès des centrales d’achat internationales, au sein desquelles les acheteurs importants représentant la grande distribution sont déjà très unis dans le but de minimiser les prix d’achats.
La coopération entre producteurs dans ce sens est dès à présent encouragée par la PAC 2023-2027. La directive (UE) 2019/633 établit même déjà une liste de pratiques commerciales jugées déloyales et donc interdites dans les relations entre acheteurs et fournisseurs visant à « empêcher les grandes entreprises d’exploiter les petits et moyens fournisseurs en raison de leur plus faible pouvoir de négociation ». Le problème est que ces « petits et moyens fournisseurs ainsi que les fournisseurs de plus grande taille » qui sont ainsi protégés sont définis par leurs chiffres d’affaires annuels rangés en 5 tranches allant jusqu’à 350 millions d’euros. Pas si petits donc.
Il convient d’adopter une résolution visant à redonner du sens au métier de cultivateur par la valorisation de leur rôle dans la protection des ressources naturelles (eau et sol notamment).
3.1.3 Développer la culture végétale biologique et l’agroécologie
L’objectif vise à développer la part de la culture végétale biologique, de la permaculture éthique et de l’agroécologie, afin de mieux concilier les activités de culture et le respect de l’environnement (animale et végétale). Il convient de valoriser et promouvoir la production locale et de saison, plus généralement l’alimentation durable végétale, dans l’intérêt des producteurs, des consommateurs, des animaux et de l’environnement. Cet objectif est d’autant plus pertinent que les jeunes agriculteurs sont souvent motivés à s’investir dans l’agriculture biologique.
La culture biologique végétalienne est réfléchie et pratiquée à l’échelle internationale. Cependant, il est important de continuer à financer de la recherche pour développer des méthodes d’avenir. Le réseau le plus connu est le Vegan Organic Network (VON – Réseau bio végane). Il a inspiré la création du Réseau d’agriculture véganique (Veganic Agriculture Network) en Amérique du Nord. En Allemagne, l’étude et la promotion de l’agriculture bio végane sont portées par le réseau BioVegaN (Biologisch-Veganes Netzwerk für Garten – und Landbau).
L’agriculture biologique végétalienne consiste à produire des denrées alimentaires ainsi que d’autres types de végétaux en respectant les règles de l’agriculture biologique, tout en refusant l’exploitation des animaux ou de sous-produits animaux (fertilisant à base de farine de sang, de poisson, de viande, de plumes, la poudre d’os ou de corne). Elle prend également en considération de ne pas déranger les animaux sauvages. Elle est la méthode de culture la plus éthique.
Cette mesure peut être mise en œuvre par une politique de transformation continue de la grande distribution en un tissu entrepreneurial fait de petites surfaces commerciales d’alimentation inférieure à 400m2, selon des catégories de l’Insee et d’AMAP en circuits courts.
3.2 Une transition du secteur de la pêcherie
3.2.1 Réduire drastiquement le nombre d’animaux marins pêchés
Il y a, en effet, une situation d’urgence puisqu’entre 1970 et 2012, plus de la moitié des populations d’animaux marins a disparu, victimes de l’exploitation marine. Actuellement, une majeure partie des types d’animaux pêchés est menacée d’extinction : 34 % des « stocks halieutiques » sont classés comme surexploités dans le monde.
De plus, l’abandon des équipements de pêche dans l’océan, en particulier les filets de pêche, causent de nombreux ravages au sein de la vie marine et polluent de façon pérenne les océans et la vie marine.
Il convient à terme de modifier le règlement (UE) 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la PCP pour proposer l’interdiction, à horizon 2029, de la pêche industrielle.
La pêche industrielle est reconnue par l’IPBES comme la première cause de destruction de l’océan (chalut pélagique, chalut de fond, drague, filet dérivant, senne, palangre dérivant). Selon l’UICN, la pêche industrielle est « celle pratiquée par des navires motorisés (> longueur de 12 m x largeur de 6 m) ». En France métropolitaine, la catégorie des navires de moins de 12 mètres et utilisant des engins de pêche « passifs » représente 4 310 des 6 240 navires actifs au 14 avril 2020, soit 70 % de la flotte. Bien que ce segment soit majoritaire avec 52 % des emplois du secteur en France, ces navires ne débarquent que 14 % des captures (en volume), pour 22 % de la valeur marchande (pour l’année 2017).
La transition progressive vers l’interdiction de la pêche industrielle doit s’appuyer sur une réorientation des subventions de la PCP aux grands chalutiers industriels vers une reconversion professionnelle des pêcheurs, en faveur des métiers de la pêche, vers les métiers de la culture végétale marine, l’algoculture ou les métiers de « pêcheurs de déchets » ; ainsi que de l’adaptation de la flotte de pêche européenne (aide au retrait permanent ou temporaire de navires de pêche, ou à la formation, à la reconversion ou au départ en retraite anticipé).
Pour ce faire, il s’agira de faire émerger des filières économiques en lien avec la valorisation des déchets marins : vêtements, filets de pêches, lunettes, pneus…
Il convient de modifier le règlement (UE) 2019/1241 relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques pour interdire ces pratiques. Les mesures techniques sont des instruments destinés à faciliter la mise en œuvre de la PCP. Elles visent en général à prévenir les prises juvéniles, de type de poisson non commercial et d’animaux marins divers.
Le règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques a mis fin, à compter du 1er juillet 2021, à la dérogation en vigueur permettant l’usage du chalut électrique dans les eaux de la mer du Nord.
Il convient de modifier le règlement (UE) 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la Politique commune de la pêche (PCP) pour proposer l’interdiction de la pêche pendant trois mois de l’année dans les aires maritimes européennes.
Ces campagnes de sensibilisation viseraient à moyen terme une réduction massive de la pêche.
Il est nécessaire de proposer une résolution visant à interdire les élevages de poulpes. Cela peut être justifié par la directive 2010/63/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, qui énonce que « les céphalopodes doivent également être inclus dans le champ d’application de la présente directive, car il existe des preuves de leur capacité à éprouver de la douleur, de la souffrance, de l’angoisse et un dommage durable est scientifiquement démontré ».
Il convient de modifier le règlement (UE) 2024/257 du Conseil du 10 janvier 2024 pour y ajouter l’interdiction de la pêche sous-marine.
La chasse sous-marine fait des ravages et bouleverse l’écosystème en tuant les plus gros poissons.
3.2.2 Encadrer strictement les pratiques de pêche
L’Union européenne, considérée comme le plus grand territoire maritime du monde, avec ses 5,9 millions de tonnes de poissons, était le cinquième producteur mondial de pêche et d’aquaculture en 2017. Pourtant, elle reste le premier importateur mondial de poissons, de fruits de mer et de produits issus de l’aquaculture
De la PAC a dérivé la Politique commune de la pêche (PCP) en 1983, dont l’objectif initial visait surtout à accroître la productivité de la pêche. La PCP a ensuite fait l’objet d’une réforme tous les dix ans. À partir du Sommet mondial sur le développement durable tenu à Johannesburg en 2002, l’Union européenne s’engage à lutter contre le déclin constant de nombreux stocks halieutiques, en préservant ses ressources maritimes. Par la réforme de la PCP de 2013, donc la troisième, la durabilité à long terme sur le plan environnemental, économique et social de la pêche et de l’aquaculture a été ancrée dans les orientations.
Afin de parvenir à une exploitation durable, d’après la PCP, les stocks de poissons doivent être gérés selon le principe du niveau de Rendement maximal durable (RMD) : la plus grande quantité de captures que l’on peut extraire d’un stock halieutique à long terme et en moyenne, dans les conditions environnementales existantes, sans affecter significativement le processus de reproduction (définition FAO / ONU).
La PCP établit ces RMD grâce aux évaluations scientifiques réalisées par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) et le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP).
La PCP en déduit des Totaux admissibles de capture (TAC) et des quotas annuels – quantités maximales de pêche pour chaque espèce et secteur de pêche – répartis entre les États membres selon un principe de stabilité relative, qui tient compte du niveau historique d’exploitation de chaque État.
Aussitôt qu’un quota est atteint dans une zone déterminée, un arrêté d’interdiction est pris. Ce sont les États membres eux-mêmes qui sont chargés de mettre en œuvre les contrôles, selon leurs propres règles de surveillance, et de lutter contre la pêche illégale.
La recommandation de l’Union européenne à cet égard est l’instauration de « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » prenant la forme de mesures administratives et/ou d’une procédure pénale, pouvant aller jusqu’à entraîner la suspension de la licence de pêche, voire son retrait.
De son côté, la Commission européenne vérifie la façon dont les États membres s’acquittent de cette tâche. En 2005, l’Union européenne a créé l’Agence européenne de contrôle des pêches (AECP), établie en Espagne, afin d’améliorer la coordination des activités de contrôle par ces États. Le règlement (UE) 2019/473 du 19 mars 2019 a codifié les dispositions relatives au fonctionnement de l’AECP.
Les États membres côtiers doivent également disposer d’un système électronique d’enregistrement et de déclaration des captures provenant de la pêche récréative ; la commercialisation de ces captures étant interdite.
Comme plus du quart des captures européennes sont réalisées hors des eaux communautaires, le régime de contrôle européen englobe également le règlement (UE) 2017/2403 relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes, incluant le cas des navires de pays tiers opérant dans les eaux de l’UE. En outre, l’Union a mis au point un instrument d’action contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) au niveau mondial, le règlement (CE) nº 1005/2008 (règlement INN), visant à empêcher l’importation dans l’Union de produits issus de la pêche INN.
La Politique commune de la pêche (PCP) est principalement financée par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), étendu aujourd’hui au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture (FEAMPA) pour tenir davantage compte de la dimension « aquaculture », après l’avoir été historiquement par l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) et le Fonds européen de la pêche (FEP).
L’Initiative citoyenne européenne (ICE) « Stop finning – Stop the trade » a dépassé le million de signatures et a donc été présentée à la Commission européenne. Cette dernière s’est engagée à lancer une étude d’impact sur les conséquences environnementales, sociales et économiques d’une interdiction des ailerons de requins dans l’Union européenne.
Il convient de modifier le règlement (CE) 1185/2003 du Conseil du 26 juin 2003 relatif à l’enlèvement des nageoires de requin à bord des navires afin d’interdire le commerce d’ailerons de requins.
Il convient de modifier le règlement (UE) 2023/194 du Conseil du 30 janvier 2023 établissant – pour 2023 et 2024 – les possibilités de pêche pour certains stocks halieutiques de poissons d’eau profonde, afin d’imposer le débarquement et la déduction du quota de captures et prises dites accessoires qui n’ont pas survécu. En effet, la pêche entraîne la mort d’un grand nombre d’autres animaux par des prises dites « accessoires ». Les captures de type d’animaux marins non visés sont très nombreuses, en dehors de la pêche à la ligne plus sélective.
Il convient d’intégrer, dans le projet de directive sur la criminalité environnementale, en tant qu’infraction supplémentaire punissable par la loi, la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR).
Depuis 2004, l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) recommande des conditions et des méthodes efficaces d’étourdissement et de mise à mort des animaux, y compris des poissons, pour éviter la douleur et minimiser la souffrance.
Il convient de modifier le règlement (CE) 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, afin d’étendre l’obligation d’étourdissement à tous les poissons.
Le règlement (CE) 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, doit être revu pour éliminer la mention que les poissons sont exclus des autres demandes d’amélioration des conditions d’élevage et d’abattage.
3.3 Renforcer la protection des poissons dans les élevages (pisciculture)
Malgré la raréfaction des poissons sauvages, la pisciculture est en plein essor et le FEAMP l’encourage toujours. La France bénéficie dans ce cadre d’une enveloppe budgétaire de 567 millions d’euros pour la période 2021-2027. Les chiffres de la production de l’Union européenne ont augmenté pour atteindre une valeur de la production aquacole européenne de 5,6 milliards d’euros en 2017. Les principaux pays aquacoles, en termes de volume, sont l’Espagne, le Royaume-Uni, la France, la Grèce et l’Italie.
4. Des alternatives à découvrir
4.1 Les algues : une alternative de débouché économique et gustative
De nouvelles ressources maritimes renouvelables et durables, les algues, ouvrent un nouveau champ des possibles tant leurs applications sont nombreuses : alimentation, pharmacologie, traitement des eaux usées, séquestration du CO2, voire biocarburant.
Les omégas-3 à chaîne longue DHA sont les lipides qui font du poisson une bonne source de protéines. Ce DHA peut être fabriqué de manière plus durable et saine en passant par l’extraction d’algues plutôt que de poissons. Une haute consommation de DHA est associée à une réduction de maladies cardiovasculaires et cérébrales.
4.2 La viande de culture : une alternative prometteuse
La viande de culture est produite en faisant se multiplier des cellules cultivées dans un bioréacteur. Les cellules initiales sont des cellules souches embryonnaires, ou sont prélevées sur un muscle de l’animal par biopsie indolore. La viande cellulaire présente l’avantage de fournir de la viande et du poisson, ainsi que des œufs et des laitages, sans exploitation animale. Bien que les études ne soient pas unanimes, il semblerait que la viande cultivée ait un impact environnemental moindre que la viande d’animaux, notamment parce qu’elle nécessite moins de terres ; mais, comme elle demande plus d’énergie, cet avantage écologique se retrouve plutôt en Europe, où la production d’électricité est peu carbonée.
Le Sérum fœtal bovin (SFB), extrait du fœtus de vache, est utilisé comme milieu de croissance des cellules. La filière du FSB est opaque, alors que celui-ci est utilisé de manière très répandue dans beaucoup de laboratoires hors viande de culture. Le FSB est récolté sur le fœtus des vaches gestantes envoyées à l’abattoir. C’est le sang des fœtus. De nombreux producteurs de viande cultivée tentent de développer des milieux de culture sans sérum bovin. Notons qu’il existe une autre technique, notamment développée en France : la fermentation de précision, qui consiste à produire des protéines de lait, sous un format de lait en poudre, au moyen de levures.
4.3 La fermentation de précision et les mycoprotéines : une alternative innovante
« La fermentation de précision utilise des micro-organismes pour créer des produits ciblés tels que des protéines, des vitamines, des fibres et des oligosaccharides de lait identiques à ceux de l’homme. Cette technologie est déjà utilisée depuis des années pour produire des médicaments tels que l’insuline et des enzymes alimentaires.»
La fermentation de précision utilise des micro-organismes dans des conditions contrôlées pour produire des produits identiques à ceux auxquels nous sommes habitués, tels que le lait et les œufs, mais sans intervention animale.C’est le même principe qui est à la base de la fabrication de la bière, du yaourt, du pain, du vin, de la choucroute ou du fromage. Pour produire ce dernier, il faut de la présure qui fait cailler le lait pour former le caillé et séparer le petit-lait. Jadis on l’obtenait sous forme de pâte en grattant la paroi de l’estomac des veaux abattus et non sevrés. Dans les années 1990, en insérant le gène producteur de présure dans des micro-organismes, nous avons pu produire de la chymosine B identique à celle des veaux. Aujourd’hui, 80 % de la présure produite dans le monde l’est de cette manière.
Avant la découverte de la fermentation de précision, un kilo d’insuline nécessitait le pancréas de 50 000 porcs ou vaches. En 1982, en injectant une séquence d’ADN d’insuline humaine dans la bactérie E. coli, le micro-organisme a pu produire la molécule d’insuline humaine, surmontant ainsi les limitations liées à l’utilisation d’animaux. En 2000, 99 % de l’insuline était produite de cette manière.
En mai 2023, l’EFSA pouvait évaluer l’inocuité de plusieurs nouveaux ingrédients alimentaires produits par la fermentation de précision qui met également en avant ses avantages environnementaux par rapport aux produits issus de l’élevage, notamment la réduction des gaz à effet de serre.
La résolution du 19/10/23 « Stratégie européenne sur les protéines »du Parlement européen mentionne les mycoprotéines ou protéines fongiques dans une logique d’économie circulaire et de valorisation des systèmes agroalimentaires durables et vertueux pour la santé et l’environnement, comme le montrent les travaux scientifiques.
Un règlement de la Commission du 03/01/23 avait déjà autorisé la mise sur le marché de protéines de pois et de riz fermentées par du mycélium de Lentinula edodes (champignon shii-take). Le kōji est un ferment issu de la moisissure de champignons du genre Aspergillus, utilisé comme ingrédient pour ses qualités digestives dans la sauce soja. De même, à partir du champignon filamenteux Fusarium venenatum, ou d’autres mycéliums fongiques, on peut produire des mycoprotéines à haute valeur nutritionnelle à l’aide de fermenteurs industriels pour fabriquer des alternatives aux produits carnés.
4.4 Les élevages d’insectes : une alternative à questionner
L’élevage d’insectes croît à grande vitesse. D’ici 2030, la filière pourrait connaître un bond de 5 000 %. Souvent présenté comme une alternative écologique à la viande, seuls 5 % de l’argent de la filière – soit 62 millions d’euros sur 1,2 milliard – sont dédiés à l’alimentation humaine. En fait, l’essentiel de l’élevage sert à fabriquer de la nourriture pour animaux de compagnie ou du feed pour animaux d’élevage. Or, si le bénéfice environnemental des croquettes d’insectes est discutable, il est encore plus aberrant, dans l’optique de réduire l’impact environnemental, d’ajouter un maillon dans la chaîne de production de produits d’origine animale. Par ailleurs, de plus en plus d’études suggèrent que les insectes ressentiraient la douleur, le Parti animaliste propose de mettre fin au développement de cette nouvelle forme d’élevage intensif.
5. Un transport en questionnement
À destination de l’alimentation humaine, près d’un milliard d’oiseaux et 37 millions de bovins, cochons, ovins et équidés sont transportés vivants chaque année dans l’Union européenne et 3,4 millions hors de l’Union. Ce transport génère des problèmes de pollution atmosphérique et de la souffrance animale. En effet, les animaux endurent des heures, voire des jours, de transport durant lesquels ils sont entassés dans des conditions très dures, la plupart du temps dans des camions mais aussi parfois sur des cargos maritimes. Certains arrivent gravement blessés ou meurent pendant le trajet. En témoignent les carcaces de bovins, retrouvés parfois sur le littoral français ou d’autres pays, suscitant scandales et dégoûts.
Dans tous les cas, le transport inflige aux animaux d’énormes souffrances : stress, attente, conditions extrêmes de promiscuité, de chaleur, de faim et d’insalubrité. Tout transport d’animaux vivant en troupeau devrait être interdit (à l’import et à l’export). Nous portons cette mesure à l’horizon 2035. À défaut, dans l’immédiat, nous portons des mesures de soulagement des conditions de transport des animaux.
5.1 Encadrer strictement le transport des animaux vivants
5.1.1 Les facteurs responsables de l’essor du transport
En 2023, la Cour des comptes européenne a publié un document d’analyse soulignant l’impact qu’a eu l’industrialisation de l’agriculture européenne encouragée par la PAC.
Cinq facteurs économiques clés, responsables de l’intensification du transport des animaux, sont présentés et, parmi eux, le phénomène de concentration des lieux d’exploitation. En effet, l’élimination des agriculteurs les moins performants a conduit au fait que seules les grandes exploitations agricoles aient la possibilité de suivre les stratégies économiques imposées. La raréfaction des infrastructures au sein des États ayant inéluctablement conduit à une démultiplication et à un allongement de l’acheminement des animaux, l’étape du transport, pourtant reconnue comme particulièrement stressante et éreintante, a connu un véritable essor au cours des dernières décennies.
Au-delà de ce phénomène de concentration, il doit être souligné que la logique économique imposée par l’Union entraîne des comportements néfastes pour les animaux de la part des États.
Il a en effet été observé que ces derniers, afin de réaliser des économies, préfèrent avoir recours au transport plutôt que d’élever et d’abattre les animaux sur leurs propres territoires.
Pour exemple, tandis que la France figure parmi les pays ayant le plus recours à l’élevage intensif, une étude a démontré qu’une part importante (43 % en moyenne nationale) des veaux n’est pas abattue sur le territoire ; ils sont exportés vivants, principalement à destination du marché italien. Plus révélatrice encore, une étude comparative réalisée en 2017 et financée par le groupe d’influence Eurogroup for animals a pu démontrer qu’il était plus intéressant économiquement, ou en raison d’autres motifs pratiques, de transporter des animaux vivants que d’exporter leur viande. Cette étude a estimé les coûts liés au transport de poules pondeuses à la fin de leur période de production des Pays-Bas vers la Pologne, ainsi que ceux liés au transport d’agneaux vivants de la Hongrie vers l’Italie. Dans le premier cas, il était moins coûteux de transporter des animaux vivants plutôt que de la viande, en raison de coûts d’abattage plus élevés aux Pays-Bas qu’en Pologne tandis que, dans le deuxième cas, le transport d’agneaux vivants était privilégié car d’autres facteurs prévalaient comme la capacité d’abattage limitée de la Hongrie.
5.1.2 Un texte en vigueur inappliqué
Pourtant il faut rappeler que s’agissant du transport, l’Union européenne présente un texte spécialement prévu afin de protéger les animaux durant le transport : le règlement 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004. Malheureusement, en raison de multiples facteurs, ce texte est loin de parvenir à son but et les associations de défense des animaux n’ont eu de cesse d’interpeller sur les innombrables violations réalisées depuis son adoption. Parmi les irrégularités les plus fréquentes figurent :« L’insuffisance de la hauteur libre, le manque d’eau et de nourriture, le transport d’animaux inaptes au transport et la surpopulation, l’utilisation de véhicules inappropriés, le transport sous des températures extrêmes et des durées de voyage prolongées », comme a pu le conclure la commission d’enquête du Parlement sur la protection des animaux pendant le transport.
5.1.3 Les limites textuelles du règlement
Le règlement 1/2005 apparaît insuffisant pour faire respecter les animaux. À ce propos, il faut ici souligner le fait qu’à la lecture de ce texte, les enjeux économiques pesant sur l’exploitation des animaux apparaissent clairement comme étant prioritaires face aux intérêts des animaux.
Par exemple, ce texte ne fixe aucune limite de durée pour les transports d’animaux vivants. Ce dernier prévoit, en effet, des temps de transport autorisés en fonction des catégories d’animaux transportés, mais les séquences peuvent être renouvelées indéfiniment à condition de respecter les temps de pause, le transport en mer n’exigeant pas même cela.
Ce texte ne fixe pas non plus de durée maximale de transport vers les pays tiers. Là-dessus, la Cour des comptes a pu relever que si l’application de la réglementation n’est pas uniformément appliquée au sein de l’Union européenne, son respect est encore plus critiquable une fois les frontières franchies. Celle-ci a notamment fait référence au manque de contrôles officiels concernant l’aptitude des animaux, les conditions de transport ou encore s’agissant du respect des carnets de route que doit pouvoir présenter chaque transporteur durant les contrôles. En effet, le document de la Cour indique que la Commission a détecté des faiblesses dans la mise en œuvre du règlement sur le transport des animaux, en particulier au niveau des contrôles officiels effectués par les États membres concernant les trajets vers des pays tiers. Cette réalité est d’autant plus alarmante puisque l’application des sanctions contre les violations du règlement 1/2005 étant déléguée aux États membres, des disparités de sanction existent au niveau de leur sévérité. Dès lors, tandis qu’il a déjà été décrit que cela leur permet de faire des économies, il apparaît encore plus logique que les pays membres de l’Union européenne optent pour un itinéraire plus long afin d’éviter les États qui imposent une application plus rigoureuse du règlement sur le transport des animaux.
D’autre part, la notion « d’aptitude à être transporté », présente dans le règlement, englobe le transport des animaux gestants et des animaux non sevrés, alors qu’il apparaît logique que les irrégularités déjà commises laissent peu d’espoir quant à une bonne prise en charge de la particularité de ces animaux. La Commission a elle-même souligné l’importance de créer une meilleure protection des jeunes animaux et des femelles en gestation.
La réglementation actuelle présente de surcroît une autre limite textuelle relative à l’absence de dispositions spécifiques à chaque espèce. En effet, comme pour bon nombre de textes de l’Union européenne, le règlement 1/2005 ne prévoit aucune exigence particulière concernant les animaux aquatiques, alors même qu’il s’applique à leur cas. Ce manque de distinction amène à ce que les dispositions applicables aux animaux terrestres s’appliquent aussi à ces animaux, ce qui conduit logiquement à des pratiques ne prenant pas en compte leurs besoins spécifiques. Parmi ces dernières peut être citée le nourrissage des poissons avant et pendant le transport, ce qui leur est préjudiciable, notamment en raison de la détérioration de la qualité de l’eau. Un avis scientifique rendu par l’EFSA en 2004 a d’ailleurs pu souligner cette réalité en identifiant les différents risques potentiels qui contribuaient à ce niveau insuffisant de protection et notamment le fait que « les poissons devraient normalement être chargés et déchargés sans être exposés à l’air et qu’ils devraient pouvoir bénéficier d’un taux d’oxygène élevé dans l’eau et être maintenus à une densité de peuplement convenable ».
5.1.4 Un manque d’investissement de la part des États
Au-delà des limites textuelles du règlement 1/2005, il faut souligner le manque d’investissement des États qui ne respectent pas eux-mêmes les obligations prévues à leur égard par ce texte et, entre autres, celle de fournir des rapports d’inspections et des rapports annuels, notamment pour partager des informations via le système TRACES. En effet, bon nombre d’États ne respectent pas ces dispositions et ne communiquent pas sur le transport des animaux effectué sur leur territoire, ne permettant pas de pouvoir agir efficacement contre les violations réalisées à l’encontre de la réglementation.
5.2 Prendre en compte les conditions de travail
Les transporteurs, maillon du système d’approvisionnement alimentaire, n’ont pas été exclus des transformations découlant du phénomène d’industrialisation, puis de mondialisation des échanges. Au contraire, les conditions d’exercice de leur profession ont connu une grande mutation afin de répondre à la nouvelle logique productiviste encouragée par la PAC à l’instar de la profession d’éleveur. Par exemple, tandis que jusqu’aux années 1980 le transport routier pouvait s’exercer tout en laissant une certaine part d’autonomie au chauffeur routier, un basculement s’est opéré la décennie suivante. Ainsi, si avant les années 1990, la seule véritable obligation du transporteur était que le transport soit réalisé, un tournant s’est opéré pour nombre de transporteurs devant prendre en charge de façon beaucoup plus précise l’organisation des transports effectués par leur personnel.
Cela a eu pour corollaire un contrôle plus serré des temps impartis à chaque tâche, à la prévision et au contrôle des trajets. La réduction de la main-d’œuvre, couplée à cette rationalisation du temps de travail des transporteurs, cause des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des salariés et, en toute logique, des incidences de même nature sur le traitement des animaux.